Vie commune

Un mois plus tard, le 12 novembre 1969, il les entretient d’un projet de société qu’il pourrait fonder afin que, devenus prêtres, ils puissent rester ensemble. « Restons unis, n’allez pas vous disperser dans vos diocèses modernistes après votre ordination ! Ce sera une société de vie commune de toit, de prière et d’apostolat »[1 ]. Il se souvient de son projet de Tulle : regrouper ses jeunes prêtres miséreux, isolés et découragés de la Corrèze.

  • 1CIC (1917), can. 673-681.

Une Fraternité sacerdotale

Ce sera une Fraternité sacerdotale, de vie apostolique. Elle sera centrée sur le sacerdoce, sur tout ce qui y prépare, sur tout ce qui en découle. Son but sera la formation de futurs prêtres dans les séminaires, puis la sanctification des prêtres par des retraites, enfin l’apostolat sacerdotal. Elle sera axée sur la messe et placée sous le patronage de saint Pie X, le dernier pape canonisé, le pape de la lutte contre le modernisme, sans doute, mais surtout le pape dont le premier souci avait été la formation de prêtres « alliant la sainteté de vie à la science ».

« Qu’en pensez-vous ? » 

Telle est la question qu’il pose à ses jeunes auditeurs. « C’est une idée à creuser », répond l’un d’eux. Et Mgr Lefebvre de poursuivre :

A la différence des religieux, les membres de la Fraternité ne feront pas de vœux, mais de simples engagements, parce que, dit-il d’après son expérience missionnaire, le vœu de pauvreté n’est guère praticable dans une vie apostolique adaptée aux temps actuels.

Ressusciter les ‘Messieurs du Saint-Esprit’

Il a en tête les « Messieurs du Saint-Esprit » de Claude Poullart des Places, qui n’émettaient pas de vœux, et qu’il avait pensé naguère ressusciter, en considération des nombreux novices spiritains désireux de partir en mission mais guère enclins à prononcer des vœux de religion. Il sait bien ce qu’il veut faire, mais pendant de longs mois, la maladie et la faiblesse de ses recrues vont le freiner.

La vie commune du clergé

Pourtant son idée se situe dans la meilleure tradition de l’Eglise, celle des saints Martin et Augustin, de saint Vincent de Paul et sa congrégation de la Mission, du bienheureux Barthélemy Holtzhäuser. Le droit canon (can. 134) recommande « la coutume de la vie commune entre clercs ». Marcel Lefebvre donnera simplement une âme à cette vie commune : au séminaire, une demi-heure d’oraison mentale avant la messe matinale de communauté, une partie de l’office divin récité en commun en latin le matin, à midi et le soir, le chapelet quotidien récité à l’intention des bienfaiteurs, le silence à l’intérieur de la maison pour favoriser la vie intérieure et l’étude, une certaine clôture vis-à-vis des personnes de l’extérieur : voici le règlement. Après le séminaire, cette habitude de vie sera conservée dans les prieurés.

Le prieuré

L’idée de Marcel Lefebvre s’avère géniale. Très vite, après les premières ordinations, ses prieurés sont un succès : cloîtres de recueillement, noyaux de vie fraternelle, havres d’étude et de prière, bases apostoliques. Le prieuré réunit le plus souvent trois prêtres et quelques frères ; une communauté de religieuses se trouve à proximité et aide aux tâches matérielles, à l’école et surtout par les grâces de leur vie d’oraison et d’oblation.

L’approbation de l’Eglise

Le 1er novembre 1970, en la fête de la Toussaint, l’évêque de Fribourg érige canoniquement la Fraternité sacerdotale et en approuve les statuts.

Je n’aurais rien fait sans l’approbation de l’évêque du lieu : il fallait que ce soit d’Eglise !

Rédigés par Mgr Lefebvre, denses et concis, les statuts sont un bijou de spiritualité sacerdotale. Les vertus que les membres sont invités à pratiquer sont

un grand amour de Dieu Trinité Sainte, qui engendre naturellement la virginité et la pauvreté qui se manifestent par le port de la soutane.
 

De cette même charité envers Dieu découlent le don de soi et l’obéissance ; puis la vertu de religion ; une prière intérieure constante ; la soif de sauver les âmes par l’humilité et la douceur ; la soumission et le respect constant envers les supérieurs ; l’oubli de soi et un esprit de service spontané dans la communauté ; la dévotion envers la sainte Vierge. » Il précise même que « notre vraie télévision est le tabernacle.