La parole de notre fondateur / Rattaché à l’Église
Mgr Marcel Lefebvre
Le prêtre ne doit pas être un isolé. Il doit être rattaché à une famille. Il doit l’être soit par l’intermédiaire d’un diocèse, soit par l’intermédiaire d’une famille, d’une famille religieuse, une famille sacerdotale. Alors, rattaché à cette famille, il est aussi rattaché à l’Église.
A l’occasion de ces ordinations sacerdotales, je voudrais insister, attirer votre attention, mes chers amis, sur le fait que ces ordinations, non seulement au sacerdoce mais toutes les ordinations qui vous sont conférées, renforcent en vous la vertu et le fait de l’unité : de l’unité dans l’Église et par l’Église, de l’unité dans le temps avec tous ceux qui vous ont précédés dans le sacerdoce, sacerdoce qui se rattache au sacerdoce des Apôtres, sacerdoce qui se rattache à celui de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le sacerdoce a été transmis à travers les siècles, à travers les générations de prêtres par les évêques successeurs des Apôtres, par ceux qui par la filiation épiscopale donnent aussi la filiation sacerdotale, filiation apostolique, filiation à Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, le Grand Prêtre, le seul Prêtre, le vrai Prêtre au sacerdoce duquel nous participons.
Une unité de foi
Cette unité à travers le temps se manifeste surtout dans l’unité de la foi, unité de la foi que les Apôtres ont eue en Notre Seigneur Jésus-Christ. Ils ont affirmé la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », a dit Pierre à Notre Seigneur Jésus-Christ1 . Étant Fils du Dieu vivant, Notre Seigneur Jésus-Christ était le Grand Prêtre par excellence. Saint Pierre affirmait donc la vérité du sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et bientôt d’ailleurs, ils allaient le constater eux-mêmes le jour où, réunis dans le Cénacle, Notre-Seigneur leur confierait le grand mystère du sacerdoce qu’il voulait leur donner et auquel ils devaient participer : « Hoc favcite in meam commemoratiónem » (Lc 22, 19). « Faites cela en mémoire de moi. Faites cela par la vertu que je vous donne, par la vertu du sacerdoce que je vous confère. » Notre-Seigneur ensuite, réalisera son sacrifice sur le Calvaire. Alors les Apôtres, conscients du sacerdoce auquel ils participent, conscients de cette union à Notre Seigneur Jésus-Christ dans la grâce du sacerdoce, le transmettront à d’autres. Ainsi, d’année en année, les évêques transmettent le vrai sacerdoce à ceux auxquels ils confèrent la grâce de l’ordination sacerdotale.
Et si aujourd’hui cette grâce va vous être donnée à des degrés divers, mes chers amis, eh bien, vous pouvez avoir cette conviction que c’est la même grâce que les Apôtres ont reçue dans le Cénacle, la même grâce qu’ils ont conférée eux-mêmes à leurs successeurs et que vous allez recevoir, vous aussi. Vous allez participer, d’une manière plus grande, plus parfaite au sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il y a donc une unité, une unité parfaite dans le temps, dans cette foi que vous avez dans le sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ et dans la grâce qui vous est conférée.
Une unité de vie
Ce n’est donc pas seulement une unité de foi, c’est aussi une unité de vie. Car c’est bien la vie de la grâce qui vous est conférée d’une manière toute particulière, d’une manière plénière je dirais, en ce sens que recevant la grâce du sacerdoce, participant au sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ – surtout vous qui allez être ordonnés prêtres – vous recevrez cette paternité de la grâce que vous aurez à donner, à conférer aux autres. Désormais cette grâce n’est plus seulement pour vous, elle est aussi pour les autres. Quelle grandeur, quelle sublimité dans cette unité, unité de foi, unité de vie que nous avons et que nous communiquons avec Notre Seigneur Jésus-Christ et avec tous ceux qui ont succédé à Notre Seigneur Jésus-Christ dans la grâce du sacerdoce !
Une unité de juridiction
Et j’ajouterai qu’il y a non seulement une unité de foi, une unité de vie, mais il y a aussi une unité de juridiction d’une certaine manière parce que, par la grâce du sacerdoce, est communiquée au moins radicalement cette juridiction sur les âmes, ce pouvoir sur les âmes, pouvoir de guider les âmes. Elle sera en pratique donnée d’une manière plus concrète, d’une manière plus réelle dans le ministère qui vous sera confié, qui vous sera affecté. Et si certains doutaient de cette juridiction qui vous est donnée, je pense que le droit canon est suffisamment clair pour nous montrer que les circonstances particulières et extraordinaires dans lesquelles nous vivons, en cette incroyable crise de l’Église, correspondent bien à celles prévues par le droit afin que la vie de la grâce ne cesse pas, afin que ceux qui possèdent ces richesses spirituelles que le Bon Dieu leur confère, que le Bon Dieu leur donne, puissent les transmettre, que ces richesses ne soient pas stériles mais qu’elles puissent s’appliquer aux âmes. Alors vous ne devez pas douter que cette grâce sera vraiment transmise à ceux à qui vous la transmettrez. Et nous pouvons même ajouter que cette unité de juridiction existe précisément dans la mesure où nous faisons partie d’une famille à l’intérieur de l’Église.
Le prêtre en effet, ne doit pas être un isolé, il ne doit pas ne pas être rattaché à une famille. Il doit l’être soit par l’intermédiaire d’un diocèse, soit par l’intermédiaire d’une famille, une famille religieuse, une famille sacerdotale. Rattaché à cette famille, il est aussi rattaché à l’Église. C’est pourquoi il est si important pour nous, d’être attachés profondément à la famille dont nous faisons partie. Aujourd’hui, comme dans les autres ordinations, nous avons la joie d’accueillir parmi nous des membres de familles religieuses et nous les accueillons avec joie précisément parce qu’ils font partie de familles qui sont à l’intérieur de l’Église. Et quand bien même ces familles n’auraient pas reçu une approbation officielle, absolument canonique de la part des autorités de l’Église, on peut dire en vérité qu’elles reçoivent une consécration et une reconnaissance implicite par le fait même qu’elles sont dans l’Église, qu’elles vivent dans l’Église, qu’elles reçoivent aussi le sacerdoce de l’Église.
Nous devons avoir conscience de cette unité
Et pour nous, mes chers amis, nous faisons partie de cette Fraternité sacerdotale Saint-Pie X qui a été reconnue par l’Église et qui, si elle a été supprimée, l’a été d’une manière parfaitement illégale et parfaitement injuste. Elle est encore reconnue. Elle l’est certainement, d’une manière sinon explicite du moins implicite, par le fait même que ceux qui ont autorité dans l’Église nous appellent à Rome, nous demandent de venir comme fondateur, comme Supérieur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X. Et nous sommes persuadé qu’avec la grâce de Dieu, dans les temps qui viendront – quand ? Dieu seul le sait, peu importe, les années ne comptent pas pour Dieu – nous sommes persuadé que justement étant dans cette unité du sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ, étant dans cette unité de foi de l’Église, étant dans cette unité de la grâce de l’Église, dans cette unité de juridiction de l’Église, il n’est pas possible que nous ne soyons pas reconnus un jour par les autorités de l’Église, d’une manière officielle. Alors nous devons avoir conscience de cette unité.
C’est pourquoi nous déplorons d’autant plus le départ de certains de nos membres. Sans doute, cela est dû aux circonstances dans lesquelles nous vivons : circonstances où le doute s’instaure partout, où les esprits sont troublés ; circonstances qui veulent que, étant d’une certaine manière un corps de combat de première ligne, facilement ceux qui sont en première ligne deviendront des francs-tireurs, ils se croiront avoir une mission particulière. Mais il est dangereux de se constituer en franc-tireur : on peut non seulement ne pas accomplir la volonté de Dieu, ou la volonté des supérieurs, mais on peut aussi détruire, involontairement sans doute, l’œuvre que le Bon Dieu nous demande d’accomplir. Et s’ils peuvent être excusés d’une certaine manière par le fait que nous sommes très dispersés, que physiquement nous sommes très éloignés les uns des autres dans ce ministère qui absorbe notre activité, cependant étant données les années qu’ils ont passées dans cette maison, étant donnés les liens qui les unissaient à la Fraternité, il est douloureux, il est triste de penser qu’ils ont cru devoir nous quitter. Et nous prions Dieu afin qu’ils comprennent que leur place est dans la Fraternité et que leur activité sacerdotale doit s’exercer à l’intérieur de la Fraternité, à l’intérieur d’une famille sacerdotale, sinon elle risque fort d’être stérile et de ne pas être bénie par Dieu.
Un chef influencé par les idées modernes ne rompt pas l’unité
C’est pourquoi j’insiste aujourd’hui particulièrement sur cette unité entre nous. Sans doute il est plus facile pour des familles religieuses qui sont des familles monacales, qui forment des monastères, il est plus facile pour elles de maintenir cette unité. Pour nous qui sommes très dispersés par la nature même de notre Fraternité sacerdotale, l’unité peut paraître quelquefois plus difficile. Eh bien, si elle est plus difficile, justement elle demande que nous ayons des liens plus forts, plus solides, plus résolus afin de demeurer unis les uns aux autres et de travailler au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ dans cette famille religieuse qui est, encore une fois, unie à l’Église de toujours et unie à l’Église d’aujourd’hui, et même unie, je dirais, à ses chefs. S’ils sont influencés par les idées modernes auxquelles nous ne pouvons pas adhérer, s’ils sont influencés par des idées de ce droit nouveau, comme le disait Léon XIII (droit qui a été condamné par Léon XIII et par tous ses prédécesseurs), si en ce sens nous ne nous sentons pas parfaitement en communion de pensée avec ceux avec lesquels nous devrions être en pleine communion de pensée, eh bien, cela importe peu. Cela ne rompt pas cependant cette unité, car à travers leurs personnes, qui devraient être parfaitement soumises à la Tradition, parfaitement soumises à ce que leurs prédécesseurs ont enseigné, nous sommes quand même réunis par eux, à cette apostolicité qui descend à travers tous les souverains pontifes jusqu’au pontife régnant aujourd’hui. Et en cela nous devons être persuadés, convaincus que nous sommes justement intimement, plus que n’importe qui, membres de la sainte Église ; et qu’avec tous les membres de l’Église, nous luttons pour le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, même si certains d’entre eux, hélas, par leur conduite, par leurs pensées, par leurs écrits, par leurs actes même, ne favorisent pas le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ. Cela a été de tous les temps d’ailleurs dans l’histoire de l’Église. Alors maintenons cette unité, mes chers amis, soyons unis les uns aux autres et soyons unis dans le temps au sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ. Soyons unis aussi dans cette foi profonde que nous devons garder en Notre Seigneur Jésus-Christ. Demandons-le à la très sainte Vierge Marie.
Demandons à la très sainte Vierge Marie, Mère de l’Église, d’être toujours ses enfants et de travailler toujours avec elle au règne de son divin Fils.
Mgr Marcel Lefebvre
(Homélie à Écône, 22 mars 1980)
texte paru dans Le Rocher c’est le Christ n°107 – juin – juillet 2017
- 1Mt 16, 16.