Conclusion
Article du « Courrier de Rome » N° 285 - Septembre 1988
L'excommunication
Tout ce qui a été dit fait percevoir clairement :
- qu'il n'existe pas un « schisme » de Mgr Lefebvre, comme il a été décrété avec une extrême superficialité, non sans une bonne dose de mauvaise foi et — il faut l'ajouter — avec un empressement suspect ;
- que l'excommunication ne peut pas atteindre Mgr Lefebvre, parce qu'« un état de nécessité fonde un droit de nécessité », ce qui, au regard de l'ancien comme du nouveau Droit canonique, rend la violation matérielle de la loi non imputable ;
- que l'excommunication ne frappe pas davantage les fidèles qui « veulent adhérer au schisme de Mgr Lefebvre » (104) ;
- parce qu'il n'y a pas de schisme ;
- parce que les « traditionalistes » ne « veulent » aucunement adhérer à un « schisme », bien au contraire : leur ferme intention est de résister à quiconque, afin de rester dans l'Église catholique : ils ne suivent pas la « personne » de Mgr Lefebvre ; ils suivent le Christ et Son Église, décidés qu'ils sont à ne dévier « ni à droite ni à gauche » (Exode).
S'ils continuent de suivre Mgr Lefebvre, c'est parce que « sciunt vocem Eius » (Jn 10, 4) : ils reconnaissent dans les paroles de ce pasteur la Parole de leur Pasteur Éternel, ce Pasteur sur lequel les pasteurs qui se succèdent dans le temps ont l'obligation de régler leur gouvernement. Et quand ces fidèles résistent aux autres Pasteurs dans l'Église, ce n'est pas par goût de rébellion, de désobéissance ou pire : c'est parce que « les brebis ne suivent pas un étranger mais elles le fuient parce qu'elles ne connaissent pas la voix des étrangers. » (ibidem).
S'il y a aujourd'hui une crise dans l'Église comme l'ont reconnu Paul VI et Jean-Paul II, comme l'a admis le cardinal Ratzinger, c'est précisément parce que la voix des Pasteurs s'est muée en voix d'étrangers et que les brebis ne reconnaissent plus dans leurs voix celle de leur Unique Pasteur, la voix de l'Église leur Mère. Le Seigneur, en disant à ses Apôtres : « Qui vous écoute m'écoute » n'a pas conféré aux membres de la hiérarchie la faculté de Lui faire dire ce qu'il leur plairait ; de même que Lui n'a enseigné que ce qu'Il avait appris du Père (105), de même l'Église n'enseigne que ce qu'elle a appris du Christ (106). Toute déformation, tout ajout, toute déviation, toute contradiction, en bref toute ingérence « personnelle » indue des Pasteurs, rien de tout cela n'appartient à l'Église et ses fils ont le devoir de ne point y adhérer s'ils ne veulent pas sortir, réellement cette fois-ci, de la communion avec l'Épouse du Verbe Incarné.
Conclusion
Nous espérons, et nous demandons par la prière, que ces derniers événements soient une occasion pour tous de réflexion et de lumière :
Pour les fidèles, afin qu'ils reprennent conscience et de leur devoir propre de glorifier Dieu en se sanctifiant, et de leur droit correspondant — absolument inaliénable —de recevoir des Pasteurs de l'Église tous les moyens nécessaires pour obtenir cette fin : une doctrine pure et entière, des Sacrements correctement administrés et une liturgie qui soit une confession sans équivoque de Foi catholique.
Pour les Pasteurs, afin qu'ils reprennent conscience du devoir qui est le leur de donner aux âmes tous les moyens nécessaires pour faire leur salut éternel, parce c'est ce devoir seulement qui fonde le droit correspondant d'être écoutés et suivis par le troupeau.
Pour tous, afin que se rétablisse l'exacte conception de l'« obéissance » en vertu de laquelle on n'obéit à des hommes que parce qu'on veut obéir à Dieu, de sorte que, en cas de conflit, on obéit « à Dieu plutôt qu'aux hommes » (107).
D'où il découle que, si les Pasteurs s'arrogent, comme ils l'ont fait depuis environ vingt ans, le pouvoir, dont le Christ ne les a pas dotés et qui est en contradiction avec leur devoir de Pasteur, de taire, de diminuer, d'oblitérer ne fût-ce qu'un seul point de la Vérité reçue du Christ et transmise par Son Église, d'altérer l'administration même d'un seul Sacrement, d'imposer un unique rite liturgique ambigu, le catholique, dont le devoir est de préférer la mort à la négation d'une seule vérité de Foi ou à la transgression d'un seul commandement divin, a le devoir de résister à l'Autorité, au nom de Dieu. Autrement, aucune « obéissance » ne suffira à le justifier devant Dieu de l'apostasie plus ou moins larvée.
Hirpinus
(104) Cf. OR du 2.7.1988, traductin en italien du Décret de la Congrégation pour les Évêques.
(105) Jn. 8, 28.
(106) Matth. 28, 20.
(107) Actes 5, 29 ; cf. Roberto-Pala77ini, op. cité sous obbedienza.
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